#SandagaCircus
Dakar a ses grandes voies de circulation, ses amples lieux de passage où se croisent les diverses couches de la société. Ceux que le cinéaste Mambéty appelait “les petites gens” y mènent leurs activités; les classes moyennes et aisées les parcourent à vive allure. Quand, sous la contrainte des embouteillages les automobiles s’arrêtent, autour d’elles se dresse la rue, avec la société qui l’habite et y gagne sa pitance: marchands ambulants et mendiants; enfants déguenillés qui tendent la main ou font commerce d’eau fraîche. Tous sont à occupés à vendre: tout, n’importe quoi. Celui-ci, qui tend la main pour recevoir l’aumône, vend de la bonne conscience; celui-là porte sur lui un ensemble hétéroclite de babioles chinoises; ce jeune homme avec son seau d’eau se jette sur les pare-brise sales, cette jeune fille propose des raticides ... Lorsque tombe la nuit et que chacun s’en va chez soi - qui dans son quartier résidentiel, qui dans sa banlieue éloignée et qui sous son pont, dans un recoin du marché Sandaga, un vieux bâtiment s’emplit d’adolescents. Ils ont, à quelques variations près, le même itinéraire. Anciens talibés, pensionnaires d’orphelinats, très jeunes migrants venus des pays qui nous sont frontaliers, tous ils ont échoués là. Ils sont convaincus, ces jeunes pour qui les rêves sont une nécessité vitale, que ce n’est là qu’une halte, que bientôt, au détour d’une rue, surgira l’opportunité grâce à laquelle enfin ils pourront mener grand train. En attendant, ils vivotent du commerce de ebu glanés sur le marché, atténuent leur mal de vivre en sniffant de la colle. Comme beaucoup d’exclus de cette ville, ils sont invisibles, inaudibles, participent du décor de nos lieux de passage et habitent nos bas-fonds.

Sandaga Circus
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